Fin de soirée
Cette nuit, 2 h 30, la branche plie sous le poids de mon corps… je crois que la descente va se faire plus rapidement que la montée… je rêve de roseau qui plie mais ne rompt pas… même si je me retiens avec mes bras à la branche du dessus, la cassure est imminente… c’est ennuyeux cette incapacité à ne pouvoir revenir en arrière… assumer un choix guidé par des pensées stupides…. Je regrette les deux derniers verres… avant eux, je partais tranquillement….j’aurais jamais du regarder cette fille… je ne sais pas combien de temps je tiendrai à la force des bras quand je serai suspendu dans le vide… je suis sûr que Jean Michel n’a même pas une échelle qui monte aussi haut… de toute façon je n’oserais jamais gueuler assez fort pour avertir quelqu’un… la branche du dessus, là où j’accroche mes bras n’est pas forcément plus grosse que celle qui vient de casser maintenant sous mes pieds… aie aie zut ça tire les bras… même pas peur !... au moins les feuilles me feront un léger tapis pour amortir ma chute… jusqu’ici tout va bien, toute sorte de choses me reviennent en un éclair à l’esprit…. le champagne bu en face d’une femme qui vous sourit est une drogue forte !… sourire et se passer les mains dans les cheveux comme elle l’a fait devrait être interdit aux femmes devant un homme timide !…. « Vous ne partez pas déjà ? »… je devrais déjà être au lit oui… sa voix vibrait encore en moi.. L’important n’est pas de tomber mais de ne pas se relever !... est ce qu’on arrive à se relever avec les deux jambes cassées et la bassin fracturé… l’alcool relâche les muscles ; relâché à ce point je serai un vrai caoutchouc… avec un peu de chance, en arrivant en bas, je pourrais rebondir… je déteste l’odeur de la cigarette… mais quand elle m’a soufflé la fumée au visage… j’ai compris que je devais rester… j’ai eu la sensation qu’elle me faisait l’amour dans le brouillard…. Trois coupes pratiquement cul sec... sans être capable de lui parler en plus… de lui dire que dans un lit plutôt que dans le brouillard, l’amour avec elle me tentait… si je m’en sors je reprends la muscu... promis, juré, craché !... ça me ressemble ça, 3 heures dans la voiture à attendre que tout le monde soit parti… ça craque au-dessus zut... je dois me glisser jusqu’au tronc…. Plus épais… Plus solide… Ça me griffe les mains… ça va être fin quand ils vont me trouver allongé demain matin dans leur jardin….Fallait que ce soit juste là… putain la vie : fais chier !… si je l’avais raccompagnée jusqu’à sa voiture, je jetais les clefs en l’air pareil, me la pétais pareil avec ce geste de faire sauter haut les clefs dans ma main… une décapotable, tu parles, ça s’affiche… et les clefs retombaient par terre… même si je les rattrapais pas… j’aurais assumer mais là… « un baiser » !... pour lui demander « un baiser »sous un arbre… même pas calculer en les lançant qu’elles pouvaient rester coincées sur une branche… « romantique », ah ça oui « romantique » qui a l’air d’un con maintenant en pleine nuit en train de faire le singe… c’était magique quand même ce baiser... cette étreinte, wouahou !... c’est une bombe cette fille… je rêvais d’un coup de foudre comme ça depuis des années… trop timide, il me fallait ce prétexte de l’arbre pour tenter ma chance… en plus troublé par le champagne, j’étais complètement hypnotisée par sa beauté… encore heureux que son mari n’ait rien vu… oh non ça craque… et si je sautais sur le tronc j’arriverais peut-être à… j’ai son portable, je pourrai lui demander qu’elle vienne me voir à l’hôpital !... elle est partie dès qu’elle a vu son mari sortir de la maison… elle sait même pas que j’ai attendu des heures que toute les lumières soient éteintes chez Jean Michel pour revenir chercher ses putains de clefs de cette décapotable de merde…. je re boirais bien une coupe ou deux finalement ouh la ça y est ça craque et merd…. Ah ah ah ah….
Texte et image : Matthieu B